Fantasmagories, Hélène Csech

 

HÉLÈNE CSECH (1921 – 2013) UNE ARTISTE EN TÉNÈBRES

Les œuvres d’Hélène Csech ne content pas d’histoires. Elles n’illustrent pas des fables. Elles ne sont pas non plus des mises en scène spéculatives ouvertes sur la métaphysique. Mais une vérité forte comme le trait, généreuse comme la rondeur des formes, désolée toutefois comme cette lumière que l’encre dévore et qui ne sort jamais de sa solitude : cruelle réplique de l’œuvre à la douceur de l’être qui l’accomplit.

Dans le mouvement obsessionnel de son flux et reflux entre quelques formes de prédilection, l’œuvre d’Hélène Csech évoque les fantasmagories qui sont nées autour des villes englouties, des cités intérieures auxquelles personne n’aura jamais plus accès, à leur faune et à leur flore désolée de n’être que ce qu’elles sont dans le silence.

Emerge l’insecte, mâtiné de crustacé, coléoptère aveugle, sourd, muet, paralytique aux membres ou mandibules rétractés, tassé comme une forteresse. Plus loin d’autres animaux apparaissent représentant une faune plutôt mythologique, extrême-orientale qui coururent les steppes barbares, ceux-là sont des gardiens, mais nul ne saurait dire ce qu’ils gardent.

Et parmi eux se tiennent des oiseaux, on peut penser qu’ils veillent, qu’ils surveillent même, de leur hauteur de rapaces, alors que de loin en loin, comme des bornes milliaires, surgissent les apparences des humains, hommes ou femmes, doués de visage, portrait de face, corps assis. Il y a là des images très belles : les mains, l’avancée de la face, la courbure enveloppée de la chair.

Les lignes courbes ont largement pris possession de l’espace graphique d’Hélène Csech. Depuis l’origine presque, et sans doute parce qu’elles ont rapport aux origines, on les voit envahir le champ, se chercher, se croiser, se nouer, développant, d’un bout à l’autre de l’œuvre, un vaste entrelacs, une profusion d’arabesques. Le labeur, pour en arriver là, est prodigieux. Il donne la mesure d’une existence créatrice, vouée à la même matière selon un petit nombre de techniques, en sorte que la passion ne vise aucunement à multiplier ses empires mais à posséder toujours plus profondément son unique conquête. Toute l’œuvre de cette artiste se développe sous le signe de la fidélité.

 

(Hélène Csech, Dessins et Monotypes, catalogue raisonné, Paris, 1996)

 

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